«Il est essentiel que les enfants bénéficient d’une relation avec le vivant» (2024)

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Les conférences de la Cité des sciences et de l’industriedossier

Pour le psychosociologue Jean Epstein, le rapport à la nature est essentiel dans le développement des tout-petit*.

Libération, partenaire du nouveau cycle de conférences organisé par la Cité des sciences et de l’industrie, propose régulièrement articles, interviews ou tribunes sur les sujets abordés. A suivre, le 21 mai, le débat «Tous dehors !» en présence de la réalisatrice Anne Jochum, d’Elise Mareuil, éducatrice de jeunes enfants et de Jean Epstein, psychosociologue.

L’usage des tablettes, téléphones et autres écrans, nous sédentarise et nous éloigne d’activités extérieures. Selon des chiffres publiés par le ministère de la Santé, 37 % des 6-10 ans et 73 % des 11-17 ans n’atteignent pas les 60 minutes d’activité physique quotidienne recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans son documentaire Tous dehors !, la réalisatrice Anne Jochum plaide pour une plus grande interaction avec la nature. Rencontre avec le psychosociologue Jean Epstein. Ce dernier, spécialiste de la petite enfance, revient sur l’importance des interactions avec le vivant.

Pourquoi passer du temps à l’extérieur est-il si crucial dans la petite enfance ?

A cette période, les connaissances s’inscrivent par le biais des émotions. C’est la voie royale de l’apprentissage chez un tout-petit. Cela passe par ce qu’il aime et ce qu’aiment les adultes avec lesquels il partage sa vie. C’est pour cette raison qu’il est important de lui faire découvrir ces espaces le plus tôt possible.

Vous expliquez que cela favorise l’affectivité (estime de soi etc.). De quelle façon ?

Dans notre système éducatif, les créatifs sont mal vus. On les traite de «rêveurs». Cela entraîne une perte de l’estime de soi chez les enfants qui n’entrent pas dans le moule. Nous insistons sur l’apprentissage considéré comme important, celui qui est scolaire, de type cognitif. Nous faisons l’erreur de subordonner le sensible au cognitif. C’est aberrant, car il n’y a aucune urgence. En revanche, il est essentiel que les enfants bénéficient d’une relation avec le vivant, qui va les valoriser et leur permettre de se révéler, en découvrant leurs talents et les choses qu’ils aiment.

Par ailleurs, on lutte contre le décrochage scolaire en comprenant pourquoi il est nécessaire d’apprendre, en développant des projets. Lorsque nous plantons des graines, il faut en prendre soin régulièrement, puis attendre que les fleurs poussent et éclosent. Nous agissons maintenant pour un plaisir qui n’arrive qu’après. C’est fondamental.

La nature aide également à développer le rapport au temps. De quelle manière ?

En observant une plante qui pousse, en jouant dehors, l’enfant prend conscience des saisons, de la longueur des journées, c’est-à-dire du temps diurne et nocturne. On aborde aussi la notion de fin de vie : si vous n’arrosez pas, vos plantations meurent. Au passage, cela permet d’accumuler des connaissances sur la saisonnalité des fruits et légumes. Enfin, pour que la fraise apparaisse par exemple, il ne faut pas en arracher les fleurs ! C’est une contrainte qui passe par l’interdit.

Vous considérez que la volonté de ne rien interdire aux enfants n’est pas bénéfique et qu’il s’agit d’un paradoxe de notre époque puisqu’ils sont, en même temps, surprotégés…

Oui. Et investir l’extérieur permet de lutter contre cet hygiénisme et le risque zéro. Des tas d’activités peuvent être faits en sécurité. Ne jamais être livrés à soi-même n’est pas bon pour le développement de certaines compétences. Le sens de l’orientation ne s’apprend pas en faisant tous les trajets en voiture, mais en allant se balader en forêt. Une fois le chemin aller effectué, on peut proposer aux enfants d’être nos guides de retour pour stimuler cette aptitude.

Comment faire lorsque nous habitons en ville ?

Le travail éducatif sur l’environnement peut parfaitement être fait en pleine ville. En allant faire le marché tous ensemble avec les enfants, ou en se promenant dans les parcs, les jardins, les squares. Il ne suffit pas d’habiter la campagne pour la connaître ou en profiter. Beaucoup d’enfants de milieux ruraux n’ont pas un réel accès à la nature.

Il existe des jeux vidéo éducatifs et la réalité virtuelle est de plus en plus présente, tout cela ne peut-il pas compenser ?

Non, cela ne peut pas compenser. Le psychiatre Serge Tisseron dit «ne diabolisons pas mais ouvrons l’œil». Il peut s’agir d’un complément mais le virtuel ne peut pas remplacer le vivant. Par ailleurs, ma crainte de l’écran est également liée à la solitude qu’il engendre. La nature, c’est la création de liens, avec les autres, avec la faune et la flore. L’extérieur est un espace de jeu formidable et irremplaçable.

Pouvez-vous donner une idée simple de jeu dehors ?

Si vous avez un jardin, vous avez déjà tout. Ne mettez rien dedans, pas de jeux psychom*oteurs ou autres, et laissez les enfants explorer. Les arbres, l’herbe, les pâquerettes, l’eau vont devenir leur terrain de jeu. Et à l’âge où ils se bagarrent pour les jouets, ils vont se mettre à plusieurs pour cueillir des fleurs ou imaginer des constructions. Ils feront des découvertes dont ils vous feront bénéficier.

«Il est essentiel que les enfants bénéficient d’une relation avec le vivant» (2024)

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